Le Genevois Robert Clerc compose un drame symphonique à découvrir ce week-end à Genève.

On en connaît la théâtralité. Il lui fallait des notes. Robert Clerc l’a fait. OEdipe à Colone de Sophocle a inspiré le Genevois, qui présente son nouvel opus dès samedi au Palladium. On pourra même réentendre cette création le lendemain. Le projet est construit autour d’adolescents, comme souvent avec ce compositeur qui garde l’enfance dans son coeur.

Le choeur de la Maîtrise du Conservatoire populaire, dont l’âge des membres oscille entre 10 et 16 ans, et l’atelier Zénovis, qui regroupe des jeunes de 14 à 18 ans, seront au feu. Ils se verront accompagnés par l’Orchestre Saint-Pierre-Fusterie dirigé par Antoine Marguier, et mis en scène par Gisèle Weidmann. Le dynamisme de l’équipe, avec de tels intervenants, est ainsi assuré… Quant à la forme de la partition, elle est conçue en diptyque. Un prélude retracera, sous l’intitulé de la descente d’OEdipe, le mythe des Labdacides dans une lente montée en puissance. Le drame symphonique lui-même, dénommé l’exil d’OEdipe, racontera en 50 minutes les errances d’un vieillard tout au long d’un dénuement sonore progressif. Tout cela dans une instrumentation qui pour Robert Clerc recherche « le mélange des timbres à l’unisson, métal et cordes, cuivre et bois, l’archaïsme et simplicité, pour laisser aux solistes et au choeur le soin de la mélodie ».

L’ouvrage alterne ainsi récitatifs et chants, à l’instar des représentations antiques, et deux jeunes danseurs évoluent sur scène avec les acteurs alors que le chant solo est renforcé par un double choeur. Le principe d’une interaction dynamique entre les acteurs et les choristes a été privilégié. « C’est à la fois le mouvement, le jeu et le chant qui sont sollicités » précise Gisèle Weidmann, qui travaille depuis longtemps sur des projets artistiques en milieu adolescent. « Tous ont été choisis pour leur qualité artistique et leur enthousiasme », précise-t-elle. De quoi donner envie aux interprètes et au public de se lancer dans l’aventure antique revisitée, en toute tranquillité

Sylvie Bonier

Après l’Opéra dans le potager (2004), Le Songe d’une nuit d’été (2005) et A l’ombre du Grand arbre (2006), le compositeur genevois Robert Clerc s’attaque avec OEdipe à Colone de Sophocle, à forte partie. Quoi d’étonnant, il est vrai, de se frotter à la tragédie grecque quand on est comme lui convaincu qu’il n’y a de vrai spectacle que chanté, dansé et joué ?

Mais pourquoi l’histoire d’OEdipe, complexe, chargée ? « Parce que les questions qu’elle aborde, comme le défi à la figure paternelle, la recherche de règles individuelles, nos jeunes chanteurs et comédiens sont en plein dedans. », explique Robert Clerc, tout en surveillant d’un oeil la mise en place des déplacements, que les adolescents découvrent en ce soir de pré-générale.

Le troisième volet du cycle des Théaïdes raconte comment OEdipe, accompagné d’Antigone, prend son existence en main, refusant d’être coupable d’un destin que les dieux ont tissé sans lui, trouvant sa liberté. La clarté qui s’en dégage est soutenue ici par la musique symphonique sereine et vigoureuse du compositeur ; les choeurs, assumés par la Maîtrise du Conservatoire Populaire (CPM), ont une légèreté juvénile là où l’on attendait gravité et solennité. Au-delà des questions strictement artistiques, dont on jugera ce week-end, le projet est aussi pédagogique. « Par rapport à d’autres productions où ils chantent à peine quelques lignes, leur rôle est bien plus important est stimulant ici » note Serge Ilg, qui a préparé le choeur du CPM, dont un tiers sera pour la première fois sur scène. C’est un excellent apprentissage. »

La même chose vaut pour les acteurs, de l’atelier Zénovis, eux aussi en formation. Les quatre représentations prévues ces jours diront si le pari, ambition, ne l’était pas trop. Mais l’énergie adolescente, quand elle a trouvé ses marques, fait des miracles. Et c’est ce miracle-là que Robert Clerc cherche à susciter de spectacles en
spectacles.

Dominique Hartmann

 

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